Les richesses cachées des notions Top-Down et Bottom-Up – Partie #1 [FR]

Avant propos

J’ai écrit ce document en 2010, lorsque j’ai pris mes fonctions de chef de projet dans une PME. Je ne trouvais rien de détaillé sur les notions Top-Down et Bottom-Up, or je trouvais utile de partager mes grilles de lecture. Ce document se veut en être une introduction pratique étayée d’exemples simples, basée sur mes réflexions, expériences et approches. Je précise que n’étais pas encore formé aux méthodes Agile à l’époque, mais que cela n’enlève rien à la pertinence de cette grille de lecture.

Introduction

Définitions

  • Top-Down : partir du cadre générale et le diviser en ensembles plus petits, qui sont à leurs tours et récursivement décomposés en entités plus élémentaires. Un processus Top-Down est aussi nommé « processus descendant ».
  • Bottom-Up : partir des détails ou de composants élémentaires pour atteindre un cadre plus général. Un processus Bottom-Up est aussi nommé« processus ascendant ».

Exemples

Un artiste sculptant de la pierre applique une technique Top-Down. Il débute son œuvre par une forme générale qu’il va préciser petit à petit. Un dessinateur commençant par mettre en place l’ébauche de son dessin travaille aussi en Top-Down. Tout deux commencent par une définition grossière de leur ouvrage, pour l’affiner jusqu’aux détails.

L’élaboration de circuits intégrés repose sur une technique Top-Down. On part de l’objectif fonctionnel du circuit et de son contexte d’implantation pour le définir de plus en plus précisément jusqu’au niveau le rendant opérationnel par connexion de composants élémentaires.

La conception d’une maison se fait en Top-Down. On commence par définir les grands volumes en partant des critères de base du projet de construction, puis on va préciser par affinements successifs les détails de l’architecture jusqu’aux finitions.

En revanche, le processus de construction d’une maison est basé sur une approche Bottom-Up. C’est en assemblant des briques, du béton et des poutres, qui sont des composants de base, que l’on construit une maison. Chaque brique n’est pas spécifique. Toutes les briques ont les mêmes propriétés, c’est la manière de les agencer qui va déterminer le résultat final.

Un pianiste qui fait des gammes, puis des accords, puis des arpèges, puis des exercices déliateurs avant d’attaquer des œuvres simples, puis de plus en plus compliquées, travaille en Bottom-Up. En Top-Down, il prendrait d’emblée une grande œuvre de Chopin, puis la décomposerait, par exemple, mesure par mesure, en séquence plus petites.

Une grève pour obtenir des avantages sociaux ou défendre des droits est un processus Bottom-Up. C’est par association de manifestants que l’on crée un mouvement large et puissant capable de peser sur les institutions. En revanche, la gouvernance dans une structure pyramidale est un processus du type Top-Down, les ordres partant d’en haut, et passant successivement des directions, département, services jusqu’aux employés.

Les notions Top-Down et Bottom-Up ne sont pas des notions spécifiques à un domaine particulier. Elles ne décrivent qu’un sens dans une approche ou un processus : elles sont universelles et pourtant précises lorsque elles appliquées à une discipline particulière.

On peut qualifier sur ce plan des professions selon l’approche qui les caractérisent.

Différences de personnalités et défauts

Exemples

Top-Down

Bottom-Up

Cadre / dirigeant

Informaticien

Chef de projet

Ingénieur

Juriste

Musicien

Top-Down

Le cadre dirigeant a généralement des approches Top Down. Il a comme préoccupation le résultat de son entreprise, son bilan. Il va donc toujours partir de cet objectif supérieur pour mener sa réflexion par subdivision en sous objectifs, en étapes, en dossiers, en contrats.

Le chef de projet est lui aussi préoccupé par des objectifs globaux. Il est centré sur les livrables. Il pense toujours aux déterminants du projet que sont le coût, le délai, les critères de qualité dans leur globalité pour en déterminer et piloter les tâches les plus élémentaires.

Le juriste est essentiellement guidé par le cadre législatif de sa mission. Son activité est basée sur la conformité de ses choix à ce cadre général. C’est là aussi une approche orientée du haut – les généralités – vers le bas – les cas particuliers.

Bottom-Up

Un informaticien va généralement combiner des solutions disponibles pour élaborer une solution fonctionnelle répondant aux objectifs dont il a la charge. Infrastructure, logiciels, langages de programmation, il combine des briques pour atteindre des objectifs plus généraux. C’est une approche ascendante.

Un ingénieur participe à des processus essentiellement ascendants. Son objectif est de partir des acquis de la science et de la technologie pour atteindre des objectifs plus généraux. Il va puiser dans ses connaissances et sa technique pour tenter, avec méthodologie, de réaliser une somme d’agrégations et de démonstrations permettant de répondre aux besoins auxquels il doit répondre. Il va faire preuve de créativité dans la combinaison de ces solutions élémentaires pour atteindre des objectifs plus larges. Il peut aussi mettre en place un processus de production, comme une fabrique, ayant comme entrées des matières premières ou des pièces détachées, et comme sortie des éléments plus élaborés voir des appareils ou marchandises opérationnelles : une chaîne de production est un processus bottom-up.

Le musicien est, dans sa pratique, orienté dans des processus ascendants, car il va patiemment apprendre des réflexes fondamentaux, acquérir des aptitudes qu’il va ensuite appliquer en interprétant des œuvres de plus en plus complexes, jusqu’à les produire en public.

Défauts des Top Down

L’orientation descendante du décideur, du chef, du cadre lui fait généralement dire ceci : « Les moyens m’importent peu, on les trouveras toujours, focalisons nous sur les fins ». Son défaut, c’est de ne pas considérer les moyens comme étant intimement liés aux fins. Il se focalise sur l’objectif global et la stratégie qui permet de l’atteindre, sans forcément évaluer les solutions sur un plan technique, fonctionnel ou humain. De ce fait, le dirigeant a tendance à réaliser des subdivisions arbitraires guidées par des objectifs supérieurs qui ne sont pas en phase avec la réalité technique, fonctionnelle ou humaine des solutions potentielles. La vision globale, les objectifs stratégiques et financiers peuvent se retrouver en inadéquation avec la réalité de terrain. Egalement, des changements fréquents liés aux variations de la conjoncture peuvent poser des problèmes opérationnels, voir déboucher sur des contraintes techniques insolubles.

Défauts des Bottom-Up

L’orientation ascendante du technicien ou de l’ingénieur lui font penser ceci : « Parlons tout de suite des moyens parce qu’une solution, quelle que soit sa fin, n’est en définitive qu’une somme de moyens. » Lorsqu’il découvre un besoin exprimé par un dirigeant ou un chef, le technicien recherche tout de suite les solutions et les composants pour répondre à ce besoin. On peut généralement lui reprocher de ne pas chercher à poser les objectifs globaux de sorte à permettre la recherche des solutions techniques les plus adaptées. On lui reproche de ne pas avoir de vision. On dit qu’il a une approche frontale, visant à répondre point par point aux exigences sans chercher à prendre part à la stratégie globale ni à considérer les objectifs supérieurs.

Ils se jugent réciproquement incompétents

Il est fréquent que les techniciens (les opérationnels) et les décideurs (les dirigeants, les cadres supérieurs) ne se comprennent pas parce qu’ils ne parlent pas « le même sens » : le technicien est polarisé ascendant alors que le décideur développe une pensé descendante.

A une question d’ordre stratégique posée par le décideur, le technicien donne une réponse technique. Bien souvent sa réponse a un caractère arbitraire due à ses références ou  à ses contraintes. Le langage employé n’est pas celui de la stratégie mais celui des solutions techniques, productives, commerciales, humaines. Le décideur peut penser que le technicien ignore la stratégie d’ensemble et méprise les objectifs supérieurs, par défaut de compétence, d’intérêt et de réalisme, alors que celui-ci est simplement centré sur les solutions.

A l’inverse, aux questions du technicien, le décideur donne une réponse stratégique, contextuelle et bien souvent évolutive. Il donne à croire au technicien qu’il est idéaliste, irréaliste, imprécis et instable dans ses objectifs. Il est fréquent qu’une réponse donnée par le décideur au technicien soulève d’avantage de questions qu’elle ne lui apporte de réponses. Il est jugé fatiguant et démotivant.

Nous voyons donc que la polarité des approches des différentes professions peut nous aider à comprendre certains dysfonctionnements caractéristiques d’une organisation imposant à la fois des processus Top-Down pour l’opérationnel et la gouvernance, et des processus Bottom-Up pour le fonctionnel et la technique.

On comprend également la difficulté d’innover : cela nécessite généralement de mettre en place des solutions nécessitant une forte cohérence entre les deux approches pour être à la fois viable techniquement et pertinente sur le plan conjoncturel (clientèle, marché, prix).

Qui a le pouvoir ?

Dans nombre d’entreprises, un sens prédomine sur l’autre. Cela définie qui détient le pouvoir et souvent, en abuse :

  • Lorsque c’est le Top-Down qui domine, ce sont les objectifs qui priment sur la technique. Au pire, seul le résultat financier compte, au détriment du social, du bien être des collaborateurs, voir de la pérennité technique de l’activité. La recherche de l’économie et de la rentabilité devient un objectif supérieur qui conditionne tout le reste : on peut alors tomber dans un fonctionnement tyrannique qui malmène la technique et l’opérationnel.
  • Lorsque c’est le Bottom-Up qui a le pouvoir, c’est la technique ou le fonctionnel qui prime sur les objectifs globaux de la structure. On constate un système sans objectifs financiers, se résumant au fonctionnement d’une ou plusieurs équipes détachées de la réalité de marché ou de la stratégie concurrentielle de l’entreprise. On tend donc à l’inefficacité autant opérationnelle que financière.

Les syndromes de ces déséquilibres peuvent être multiples et combinés : objectifs fixés inatteignables voir fantaisistes, projets inutiles, avortement fréquent des projets, changement de caps incessants, planification incohérente et jamais respectée, charge mal répartie, etc.

Le bon équilibre entre ces deux pôles peut être trouvé en répondant aux besoins des participants d’esprit Top-Down autant que Bottom-Up, sans construire un mur de séparation entre les deux. Il faut pour cela répondre à ces deux questions :

  • Qu’attend le Top-Down de la part du Bottom-Up ?
  • Qu’attend le Bottom-Up de la part du Top-Down ?

Il ne s’agit plus de définir leurs travers ou leur défauts, mais d’identifier en quoi ils sont dépendants les uns des autres. La clarification des dépendances entre la sphère “stratégique” Top-Down (gouvernance, commerciale, marketing) et “technique” Bottom-Up (développement, construction, déploiement, conception) va permettre à chaque étape de la vie de l’organisation de répondre à leur attentes réciproques.

C’est ce que nous verrons dans la partie #2.

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